[Top 100] Didier Cagé (Distriboissons) : « Nous faisons partie de ces métiers dont le pays a besoin »

Jean Charles Schamberger
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Didier Cagé - Distriboissons

Entretien avec Didier Cagé, directeur général de Distriboissons.*

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Comment le réseau vit-il cette crise sanitaire ?

L’activité est tombée en moyenne à - 95 % ! Il y a eu quelques livraisons à des hôpitaux, des Ehpad, etc. Des adhérents ont aussi fait de la vente aux particuliers. Cela veut dire des mises au chômage partiel pour quasi 90 % des personnels ainsi que des demandes massives de PGE pour assurer la trésorerie et permettre aux adhérents de régler leurs fournisseurs. Ensuite, tout dépendra de la reprise. S’il y a de l’activité, cela donnera la possibilité aux adhérents de rembourser les PGE dans de bonnes conditions l’année prochaine. Mais leur sort est également lié au paiement par leurs clients de leurs encours, lesquels sont très importants. Si 10 % des clients déposent le bilan comme nous le craignons, des distributeurs seront impactés. Et cela, aujourd’hui personne ne le sait réellement, tout comme l’éventualité d’une deuxième vague.

À court terme, nous nous réjouissons de la décision du gouvernement de nous accompagner dans les mois à venir avec un maintien du chômage partiel aux conditions initiales ainsi qu’une suppression des charges salariales. Sans cela, nos adhérents auraient pu être obligés de prendre des décisions structurelles immédiates. En effet, ils étaient sur une projection des trois mois juin-juillet-août à - 50 %, mais, avec le retour des consommateurs, ils sont un peu plus optimistes et espèrent ne faire que - 30 % ce qui nécessite néanmoins de réduire les coûts du même montant. Pour obtenir ce résultat de l’administration, nous avons eu de nombreuses réunions de travail au niveau de la CGI, avec les conseillers de Bercy et les parlementaires pour expliquer notre situation et pourquoi il fallait nous aider.

Nous avons rappelé que les distributeurs grossistes de boissons sont un rouage indispensable à la vie de la société française car ils livrent aussi les hôpitaux, les écoles, les armées, les prisons. Si demain il y avait des dépôts de bilan, la continuité de l’approvisionnement de ces services publics ne serait plus assurée. Nous sommes méconnus, pourtant nous faisons partie des métiers dont le pays a besoin. Ce résultat a été obtenu par le travail admirable effectué par la CGI que toute la profession peut remercier et confirme que Distriboissons a fait le bon choix en rejoignant cette confédération.

Tous les entrepôts du réseau seront-ils ouverts le 22 juin ?

Tous sont déjà ouverts depuis le 2 juin, et des entrepôts ont été rouverts au moins une semaine avant pour préparer la reprise, notamment la sanitation des tirages pression et des machines à café. À noter qu’il y a des régions qui souffrent plus que d’autres : l’Ouest redémarre plutôt bien tandis que la situation reste catastrophique à Paris.

Comment les adhérents accompagnent-ils les opérateurs pour cette reprise ?

D’abord, par la remise en route technique. Ensuite, nous avons préparé des promotions de reprise qui vont démarrer le 15 juin* et qui vont durer tout l’été. Pilotées par la centrale avec nos fournisseurs, elles se travaillent deux mois à l’avance. Sur la question des règlements, il est clair que, dans le cadre de la continuité économique de la filière, il faut que les clients nous paient. Les entrepositaires grossistes n’auront pas les moyens de faire du crédit.

D’autre part, avec la CGI, nous avons développé un guide de bonnes pratiques pour les distributeurs alimentaires qui assure la sécurité, de la réception à la livraison, avec des fiches par métiers, avec tous les protocoles, tous les matériels à mettre à la disposition des personnels pour respecter la santé de tous. Nous avons référencé des masques et du gel pour nos clients si jamais ces derniers souhaitent en acheter. Tous les adhérents ont fait des dons à des associations caritatives, là encore avec un gros appui de la CGI. Le travail d’accompagnement de la confédération a été vraiment exceptionnel.

Enfin, pour aider au retour des clients dans les établissements, nous avons créé un petit film d’animation pour diffusion sur les réseaux sociaux dont l’objectif est de donner aux consommateurs l’envie de retrouver le plaisir de partager dans les bars et restaurants.

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Quelles perspectives dressez-vous pour le second semestre ?

C’est difficile à dire. Nous espérons ne faire que - 30 % pendant l’été et seulement - 15 % jusqu’à la fin de l’année. La bonne nouvelle, c’est que l’on a vu que les gens avaient envie de revenir. Ensuite, est-ce que cela va durer ? Comment vont consommer ceux qui ont perdu un peu de revenus ? Tout dépendra de l’arbitrage qu’ils feront dans leurs dépenses. Il peut y avoir aussi des changements comportementaux qui nous soient favorables, moins consommer de biens mais plus faire la fête. Personnellement, je pense que les gens ont envie de partager de bons moments, d’être ensemble, et cela se fait beaucoup dans les CHR.

Quelles leçons tirez-vous de cette crise ?

Si le début de crise a été mal géré par nos gouvernants en annonçant une fermeture à 18 h 00 pour effet à 24 h 00 ce qui n’a pas permis à nos clients de gérer leurs stocks avec pour conséquence des pertes de marchandises importantes, il faut noter qu’ensuite la solidarité nationale a fonctionné avec toutes les mesures prises pour soutenir l’économie, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Quels commentaires faites-vous de l’exercice 2019 ?

Nous avons fait une très belle année 2019 à + 7 % en chiffre d’affaires et à + 3 % en volume. Celle-ci a été à nouveau portée par la bière avec + 6,9 % en valeur. Les spiritueux sont à +  7,9  % et continuent leur prise de part de marché. Les boissons chaudes ont réalisé également une très bonne année avec +  7,7  %. Même les jus de fruits, famille qui souffre pas mal ces dernières années, ont fait +  3,6  %. Les softs sont à +  5,8  % et les vins à + 5,2 %.

Comment ont avancé vos projets ?

Nous avons continué d’avancer sur le dossier RSE afin d’accompagner nos adhérents. Nous montrons ce qui se fait chez chacun d’eux pour insuffler une dynamique. Cela sera présenté lors de notre convention, qui devait se tenir fin mars, et qui a été reprogrammée du 12 au 14 octobre à Deauville.

Sur la logistique, nous travaillons toujours avec la CGI. Nous avons créé un lab qui regroupe les constructeurs automobiles, les fournisseurs d’énergie, les collectivités et certaines associations environnementales afin de définir le meilleur système de livraison, notamment pour les centres-villes. En raison de la crise, les réunions n’ont pas eu lieu, mais cela reste un chantier prioritaire.

Ensuite, la crise du Covid-19 a montré que la livraison aux particuliers fonctionnait plutôt bien. De fait, des adhérents s’y sont intéressés et sont en train de créer une nouvelle branche de leur activité, avec des systèmes de drive et de livraison. Certains font d’ailleurs 10 % de leur chiffre d’affaires avec les particuliers.

Enfin, la digitalisation des adhérents se poursuit. Les gros et les moyens ont quasi tous des applications de prise de commandes. Pour les plus petits adhérents, nous travaillons sur une application générique que l’on pourrait leur proposer à un budget modique afin que chacun ait un outil de prise de commande digitale, ce qui est indispensable aujourd’hui. En résumé, la crise ne nous fait abandonner aucun chantier. Elle nous a incités à accélérer sur ceux en cours et à inventer de nouvelles choses.

*Entretien réalisé le 17 juin

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

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Didier Cagé - Distriboissons
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