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[Top 100] L. Bomy : « Exercer notre métier dans certaines zones devient extrêmement compliqué »

Jean Charles Schamberger
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Entretien avec... Laure Bomy, directrice générale de La Fédération nationale des boissons (FNB)

BOISSONS

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Quel bilan dressez-vous de 2018 ?
Si l’on en croit le cabinet Gira, 2018 est une année assez exceptionnelle pour la consommation hors domicile, avec un CA qui affiche + 5,8 % et qui atteint désormais 95 Md€. Les segments ventes au comptoir et snacking continuent de porter le plus gros de la croissance, et la restauration « service à table » affiche une belle performance après de nombreuses années de stagnation, voire de régression. Nous avons cependant tendance à qualifier cette année 2018 « en dents de scie » : le 1er trimestre a été marqué par de fortes chutes de neige qui ont perturbé l’activité des CHR ; ensuite, l’effet combiné climatologie-Coupe du monde a permis de compenser jusqu’au début du mouvement des Gilets jaunes qui, dès le 17 novembre, a considérablement affaibli l’activité de la consommation, et de la fréquentation des CHR en particulier.Notre métier suit les péripéties de la restauration au sens large. L’exercer dans certaines zones devient très compliqué. Il y a des thématiques auxquelles nous pouvons trouver des solutions. Il y en a d’autres dont nous ne pouvons que subir les conséquences. Enfin, en ce qui concerne les problématiques de mobilité et d’accessibilité, nous nous heurtons à un phénomène grandissant de surdité des pouvoirs publics.
À quels obstacles vous heurtez-vous ?Tantôt, ce sont des réglementations très généralistes dans lesquelles on mélange beaucoup de choses sans suffisamment tenir compte de la réalité de nos infrastructures et des besoins, or il y a une différence majeure entre la distribution de proximité dite « du dernier kilomètre » et le transport ou la mobilité au sens global du terme. Tantôt, ce sont des réglementations locales différentes, des logiques de concertations pas toutes calées de la même manière où sont encore trop souvent oubliés nos professionnels.Plus généralement, nous constatons un déficit de connaissance et de reconnaissance des métiers du BtoB et de la valeur ajoutée qu’ils confèrent au travers de leurs services aux territoires. Par ailleurs, la prolifération de véhicules légers de distribution, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les nôtres, génère de l’agacement et un sentiment de traitement à deux vitesses.Malgré l’accélération des mutations dans nos entreprises, pour tenir compte de tous les enjeux en matière d’environnement, d’équilibre économique, de place sur les territoires, celles-ci se voient imposer beaucoup de normes, de contraintes et d’interdictions. Et à côté, le phénomène d’ubérisation de la livraison se poursuit et très rarement au bénéfice d’une empreinte carbone plus favorable. De fait, les perspectives continuent à ne pas être totalement rassurantes et sécurisantes en matière d’investissement et d’engagement de la part de nos entreprises.
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Quelles évolutions constatez-vous ?Nous constatons une accélération de la mutation des habitudes de consommation. Avec le développement du télétravail et la dé-structuration des repas, l’offre traditionnelle autour du déjeuner classique en pâtit. Le développement de l’offre retail, correspondant à une consommation rapide, s’accélère et on voit émerger de plus en plus d’offre «  snacking et cantine » d’un nouveau genre au sein des enseignes de la grande consommation, avec la possibilité de consommation sur place dans les commerces historiques de la distribution alimentaire. La livraison des repas à domicile ou sur le lieu de travail, associée aux nouvelles technologies et applications, affiche de fortes croissances et l’on note une augmentation significative de la part de nos clients restaurateurs qui ont accéléré cette mutation.En termes de catégories, toutes progressent – à l’exception des spiritueux – sous l’influence notamment du développement de la consommation des bières de dégustation, des bières artisanales, des produits locaux, des boissons au thé, des boissons naturelles, faiblement sucrées, faiblement caloriques, etc. Néanmoins, 2019 s’inscrivant dans la tendance de fin 2018 en termes de repli de l’activité des CHR, nous restons tout à la fois prudents et confiants dans notre capacité à évoluer et à adapter nos offres.
Quels dossiers ont occupé la FNB en 2018 ?Nous avons continué nos travaux en matière de négociations sociales. La mise à jour de notre convention collective, entamée en 2017, s’est poursuivie en 2018, notamment sur le volet des institutions représentatives du personnel. Nous avons aussi signé un accord sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, et un autre sur l’insertion dans l’emploi et la formation des travailleurs en situation de handicap. Dans la continuité des travaux engagés en 2017 sur nos emplois repères, nous avons lancé en 2018 une étude sur les rémunérations au sein de la branche et nous avons ouvert la négociation sur la classification de nos emplois.Le dernier trimestre a été consacré à la réforme, et l’identification des impacts, pour les entreprises et les collaborateurs de la branche, de la loi pour choisir son avenir professionnel. Nous avons également œuvré, aux côtés d’autres organisations, pour mettre en place l’Opco Mobilité.Ces travaux nous ont entre autres permis de redéfinir nos priorités en matière de formation et d’accroître plus rapidement la prise de conscience de nos entreprises quant au fait qu’il faille développer la capacité à intégrer et fidéliser dans nos métiers des jeunes en apprentissage, notamment sur la filière logistique. Ce sera l’un des gros challenges à venir. Nous travaillons sur des outils et des dispositifs d’accompagnement pour aider les dirigeants et les décideurs à s’emparer de ces sujets. En parallèle, nous travaillons sur l’identification ou le développement de certifications plus adaptées afin de mieux valoriser nos filières et collaborateurs.Tout cela s’inscrit en cohérence avec nos engagements en matière de RSE et va bien au-delà du fait d’avoir une flotte de camions non polluants. C’est une démarche globale. L’adaptation de notre modèle de distribution doit être envisagée au sens large  : les produits, le packaging, les outils de distribution, etc. Il faut que la filière boissons prenne entièrement sa place et sa responsabilité dans cette logique d’économie circulaire qui se veut vertueuse. Il s’agit de mettre à la disposition des consommateurs et de nos clients le meilleur produit qui puisse idéalement afficher l’empreinte environnementale la plus faible possible.C’est un travail que l’on ne peut faire en silos, il nous faut co-construire avec notre amont, nos fournisseurs, et avec notre aval, nos clients, et que l’on partage des ambitions communes. Nous devons toutes et tous adopter de nouveaux réflexes, modes de consommation et de production ; et, en qualité d’acteurs majeurs de la filière CHD au sein des territoires, nos membres se doivent d’être exemplaires et contributifs. Nous avons de tout temps beaucoup œuvré pour tendre vers «  une logistique verte » du dernier kilomètre et sur la gestion des emballages boissons en CHD.À ce titre, la FNB est membre du Copil Consigne. Le projet de loi antigaspillage pour une économie circulaire prévoit la possibilité de mettre en œuvre un dispositif de consigne pour recyclage ou réemploi de certains produits afin d’améliorer les performances de collecte, fixées par la loi ou le droit de l’Union européenne. Les objectifs de ce comité, coprésidé par Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jacques Vernier, ancien élu, spécialiste du secteur de la gestion des déchets, sont d’explorer les modalités de la mise en place de systèmes de consigne pour les emballages et de produire, le cas échéant, des recommandations sur les conditions de déploiement.
L’un de vos chantiers était aussi la mise en avant du rôle des distributeurs-grossistes…Depuis 2011, la FNB affiche cette ambition de repositionner le distributeur-grossiste en boissons dans sa qualité d’acteur incontournable au sein de la filière et des territoires. L’un des leviers clefs est la reconnaissance de leur savoir-faire historique qui est la reverse logistic. Cette année, l’actualité autour de la problématique plastique a rendu certains acteurs beaucoup plus attentifs à cette offre de service. Nous n’avons pas remis en cause nos ambitions. Et nous avons réaffirmé une conviction forte et partagée par l’ensemble des élus membres : impliquer notre écosystème dans nos réflexions et nos démarches nous aide à progresser. Il faut que nous sachions écouter, comprendre, intégrer les problématiques de notre amont, de nos clients, des acteurs publics.Notre nouvelle identité visuelle et notre nouveau site internet, lancé en début d’année, reflètent ces valeurs que sont la diversité, l’ouverture, l’écoute et le partage.
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Comment se développe le label FNB ?À fin 2018, nous avions plus de 30 entreprises ou groupes d’entreprises labellisés, soit plus de 200 sites de distribution et près de 3000 salariés concernés et sensibilisés. Et sur 2019, nous avons déjà plus de 15 nouveaux décideurs inscrits. Certains membres en sont à leur 2e ou 3e cycle de labellisation. D’ici à la fin de l’année, nous allons essayer de produire des données éclairant sur les bénéfices d’un point de vue environnemental et économique pour les entreprises labellisées. Nous souhaitons ainsi réaliser un guide à usage interne pour nos adhérents.Par ailleurs, d’ici à la rentrée, nous proposerons à nos membres un dispositif spécifique, qui leur sera réservé, pour se faire certifier bio. Nous finalisons les conditions avec notre partenaire Ecocert et envisageons aussi la démarche pour conduire l’audit de certification en même temps que l’audit de labellisation le cas échéant, tout en respectant le cahier des charges de la certification bio. Nous allons également introduire une notion de « bonus » adossé au label afin de récompenser tout adhérent qui aurait mis en place l’une ou l’autre bonne pratique ou encore progressé très vite sur certaines actions ciblées.
Quels sont vos axes de travail ?Nous poursuivons notre objectif de valorisation et de reconnaissance de l’intérêt de nos professionnels et de la place des distributeurs grossistes en boissons. Il y a encore beaucoup à faire et nous souhaitons qu’il y ait une prise de conscience plus forte de la part de tous nos interlocuteurs concernant nos valeurs ajoutées et nos spécificités que sont : 1-La capacité à adapter notre reverse logistic à la gestion de l’ensemble des emballages, de façon à aider nos clients, nos fournisseurs mais aussi l’ensemble des collectivités à gérer leurs obligations « déchets  » tout en privilégiant les emballages re-remplissables consignés. 2-Le fait d’adapter notre offre de service « produits livrés  », services inclus, à la fois à la diversité de nos clients et avec la plus faible empreinte carbone. Il faut en effet apprendre à nos clients à le dire, à le valoriser et à faire savoir qu’eux aussi, depuis des années, sans le savoir, font de l’économie circulaire. 3-Poursuivre nos politiques d’investissements et de soutiens financiers aux CHR pour aider à redynamiser les territoires et lutter contre la désertification de certaines zones. 4-Continuer à tendre vers l’excellence en matière de choix, d’installation et d’entretien du matériel professionnel de façon à garantir, du producteur aux consommateurs, une prestation au top.Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger
Article extrait de Zepros Métiers Distributeurs RHD 6.Pour consulter l'ensemble des articles et interviews, rejoignez le club Top 100 Distributeurs de la RHD.
Jean Charles Schamberger
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