La Cour des comptes incite à doper le soutien à l’agriculture bio

Jean-Charles Schamberger
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carottes bio

Si, au cours de la dernière décennie, l'agriculture biologique a connu un changement d'échelle, avec une augmentation entre 2010 et 2021 de la part du bio dans la surface agricole de 3 % à 10 % et une consommation bio multipliée par 3,5 sur cette période, la Cour des compte souligne que la politique de soutien à l'agriculture biologique reste insuffisante. Elle pointe que depuis 2010, les programmes d'action successifs n'ont pas permis d'atteindre les objectifs de 15 % des terres agricoles en bio et de 20 % de bio dans les cantines publiques en 2022.

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Dans un rapport de 350 pages sur le soutien à l'agriculture biologique publié le 30 juin, la Cour des comptes rappelle les bénéfices de l'agriculture bio, notamment en termes de santé et d'environnement, et observe que le développement de l'agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d'entrainer les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement. Cependant, elle souligne que la politique de soutien à l'agriculture biologique reste insuffisante. Pour contribuer à atteindre les nouveaux objectifs fixés par la France et l'Union européenne, la Cour des comptes formule 12 recommandations réparties en 3 orientations : éclairer les choix des citoyens et des consommateurs sur l'impact environnemental et sanitaire du bio, réorienter et amplifier les soutiens publics de l'agriculture bio, favoriser enfin la création de valeur au sein du secteur agricole et alimentaire bio.

La Cour des compte estime que le soutien de la demande passe également par la commande publique laquelle est insuffisante. Ainsi, l’objectif de 20 % de produits biologiques en restauration collective publique en 2022, fixé pour 2012 et réitéré par la loi Egalim en 2018, est loin d’être atteint : il plafonne à environ 5 à 6 %, soit pas davantage que la part des produits bio dans la consommation totale (6,6 % en 2021). Et ce, malgré l’engagement de certaines collectivités territoriales pionnières dans les cantines scolaires. Quelques villes sont en effet passées au 100 % bio dans leurs cantines scolaires, dont : Grande-Synthe (Nord, 22 000 habitants) dès 2011, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes, 10 000 habitants) depuis 2012, Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire, 12 000 habitants) depuis 2018, Bruz (Ille-et-Vilaine, 19 000 habitants) depuis 2019. Le département de Dordogne a décidé de passer en 100 % bio ses 35 collèges, dont plusieurs le sont déjà. La Région Occitanie a créé une centrale régionale alimentaire de produits locaux, bio et de qualité destinée à la restauration collective. L’organisme certificateur Ecocert a pour sa part créé le Label en cuisine, doté de trois niveaux, sur le modèle danois.

La politique danoise en faveur du bio dans la restauration collective citée en exemple

Premier pays au monde pour la part de bio dans la consommation alimentaire (12 % contre 6 % en France), le Danemark a fixé dans son Organic Action Plan for Denmark 2015-2020, un objectif de 60 % de produits bio dans la restauration collective publique et a défini un ensemble cohérent d’actions de développement du marché bio. Ainsi, la création d’un logo « Restauration Bio » à trois niveaux (or, argent, bronze), propriété de l’administration vétérinaire, est un outil de motivation et de fierté ; la commande publique et le soutien aux villes (6,6 M€ sur la période 2015-2018) pour former les salariés des cuisines publiques, aider les villes à changer les menus, à rédiger des appels d’offres, etc. (Copenhague a converti 100 % de ses cantines publiques au bio au même coût en faisant des économies) ; des aides aux start-up de la filière bio et la publication d’études de marché pour les entreprises ; des conseils et services aux petits commerces (« AB pour tous ») ; la promotion des exportations bio ; enfin, des évènements grand public, comme l’Ökoday (250 000 visiteurs de fermes bio un jour au printemps).

La Cour des compte évoque également d’autres exemples figurant dans le plan d’action européen de 2021 pour l’agriculture biologique : Vienne (Autriche) dispose d’un réseau de jardins urbains biologiques de 860 ha approvisionnant également des cantines publiques, en particulier des crèches ; Rome sert environ un million de repas biologiques par jour dans les cantines publiques. 
« Malgré cette dynamique et l’action de quelques pionniers, les marges de progrès restent importantes en France, en particulier en termes d’information et de formation sur cet enjeu de santé publique. Pour que le marché hors domicile joue pleinement le rôle de relais de croissance, la formation des chefs à intégrer plus de bio est insuffisante (4 heures consacrées aux signes officiels de qualité, dont le bio, en CAP cuisine) », souligne la Cour des comptes.

Cette nécessité de définir une politique publique en faveur de l’agriculture bio plus structurée, mieux intégrée et plus ambitieuse est notamment saluée par le réseau d’entreprises bio Synabio. Ce dernier se félicite de ces propositions et espère que les pouvoirs publics vont s’en saisir dans le cadre de l’élaboration du nouveau plan Ambition bio qui devrait être annoncé d’ici à la fin de l’année.

Rapport "Le soutien à l’agriculture biologique"

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Jean-Charles Schamberger
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