Education à l'alimentation : ce que changerait vraiment la proposition de loi d’Olivia Grégoire

, mis à jour le 11/12/2025 à 18h25
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la députée Olivia Grégoire

Enregistrée le 18 novembre à l'Assemblée nationale, la proposition de loi n°2091 d'Olivia Grégoire propose une expérimentation de trois ans pour instaurer une éducation à l'alimentation obligatoire de la primaire au lycée. Le texte, qui prévoit un lien structuré entre enseignements et restauration scolaire, s'accompagne de la création d'un fonds national de financement. À ce stade, il ne s'agit que d'une proposition sans portée juridique, qui devra franchir l'ensemble des étapes parlementaires avant toute application.

 

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C’est fait ! La députée de Paris Olivia Grégoire (ER), ancienne ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, a déposé sa proposition de loi concernant l’éducation à l’alimentation. Une action fondée sur un diagnostic sans appel. Près d'un adulte sur deux est en surpoids en France, un sur cinq souffre d'obésité. En trente ans, ces chiffres ont doublé chez les adultes et quadruplé chez les 18-24 ans. Les conséquences sanitaires sont massives : l'obésité et les maladies associées représentent un coût estimé à 125 Md€ par an pour les finances publiques. 
La fracture est aussi sociale et territoriale. L'obésité est quatre fois plus fréquente chez les personnes défavorisées. Les écarts se creusent : 1 % d'enfants obèses dans les familles de cadres, contre 6 % chez les ouvriers. Dans certaines régions, les chiffres atteignent des niveaux alarmants : 22 % d'enfants en surpoids dans les Hauts-de-France, 20 % dans le Grand Est, et jusqu'à 47 % à Mayotte.

Trois ans d'expérimentation dans les académies volontaires

Face à ce constat plus qu'inquiétant, la députée plaide pour une réponse préventive, éducative et collective, ancrée à l'école. « Fidèle à sa mission républicaine, l'école sait apprendre à lire, à écrire et à compter ; elle doit aussi pouvoir aujourd'hui apprendre à mieux manger », justifie l'exposé des motifs. Une attente partagée avec les Français puisque que 87 % se disent favorables à la mise en place de cours de cuisine à l'école. Pour autant, le texte proposé ne crée pas d'obligation généralisée immédiate. Il propose une expérimentation de trois ans dans les académies et collectivités volontaires, identifiées conjointement par l'État et les collectivités territoriales.
À l'école primaire, l'éducation à l'alimentation prend la forme d'un enseignement structuré obligatoire, intégré aux programmes existants. « Au moins trois séances par an seront dispensées, articulées avec la restauration scolaire pour assurer une continuité pédagogique entre classe et cantine ». Les démarches pratiques sont privilégiées : éducation sensorielle, ateliers culinaires, découverte de la saisonnalité, visites de producteurs locaux, valorisation des métiers de bouche et agricoles.
Au collège, l'éducation à l'alimentation s'intègrerait dans le parcours éducatif de santé. Chaque établissement devra mettre en œuvre un projet annuel obligatoire, élaboré en concertation avec le comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement, les départements (compétents pour la restauration scolaire) et le tissu local : associations, professionnels de santé, acteurs de l'alimentation, producteurs en circuits courts.

La création d'un fonds national d'action

Quant au lycée, l'éducation à l'alimentation prend la forme d'un module expérimental facultatif, associant les régions (compétentes pour la restauration scolaire et la carte des formations) et les acteurs locaux. Ce module peut donner lieu à des conventions avec les établissements d'enseignement supérieur, les organismes de formation professionnelle et les acteurs locaux de l'alimentation.
Quel que soit le niveau d'enseignement, cette éducation vise à développer les compétences en matière de connaissances alimentaires, nutrition, saisonnalité, équilibre alimentaire et consommation responsable ; promouvoir le "bien manger" et les bénéfices des produits non transformés ; prévenir les inégalités sociales et territoriales ; renforcer la cohérence entre enseignements théoriques et restauration scolaire ; et mobiliser le tissu local pour offrir une culture alimentaire vivante et ancrée dans le territoire.
Et qui ferait quoi ? L'État assure la définition du cadre pédagogique, la formation des personnels et la mise à disposition des ressources éducatives. Les collectivités territoriales compétentes pour la restauration scolaire organisent ces actions en lien avec les établissements. Un cadre contractuel définira les engagements respectifs.
Point crucial du texte : la création d'un fonds national d'action pour l'éducation à l'alimentation. Ce fonds sera abondé par l'État, les entreprises et les particuliers. Il financera les ateliers pédagogiques, les sorties scolaires, la fourniture de produits alimentaires et de matériel pédagogique. « Le fonds pourra également financer des rénovations de cantines scolaires et des formations pour les personnels chargés de la préparation et de la distribution des repas. Ces financements seront conditionnés au respect d'engagements relatifs à la qualité nutritionnelle et environnementale des repas, en cohérence avec la loi Egalim », précise la députée.

Une inscription renforcée dans le Code de l'éducation

Les projets bénéficiaires, dont la liste sera rendue publique chaque année, seront sélectionnés par un comité interne du ministère de l'Éducation nationale. Le choix d'un fonds mixte s'explique par le contexte budgétaire contraint et la volonté de mobiliser les entreprises engagées dans des démarches RSE. « 80 % des Français jugent important que les entreprises contribuent au débat public, et 57 % estiment qu'elles ne s'impliquent pas suffisamment », rappelle la proposition de texte. Il modifie plusieurs articles du Code de l'éducation pour donner une assise juridique solide à l'éducation à l'alimentation. L'article L. 121-1 sera complété pour mentionner explicitement cette éducation aux côtés de l'éducation physique et sportive. Un nouvel article L. 121-6-1 sera créé, précisant que "l'éducation à l'alimentation contribue à la promotion de la santé, à la réduction des inégalités sociales et territoriales et à la formation de citoyens informés et éclairés dans leurs choix de consommation". L'article L. 312-17-3 sera entièrement réécrit pour détailler les enseignements : équilibre nutritionnel, découverte des produits non transformés, compréhension de leurs modes de production, saisonnalité, transmission d'une culture alimentaire, prévention du gaspillage.
Le texte prévoit également la création d'une plateforme nationale centralisée, accessible à tous, rassemblant les ressources pédagogiques, outils méthodologiques et supports de cours destinés aux enseignants, élèves et familles. Cette plateforme recensera aussi les organismes et associations agréés intervenant dans l'éducation à l'alimentation.
L'expérimentation fera l'objet d'une première évaluation 18 mois après sa mise en œuvre, puis d'une seconde à l'issue des trois ans. Ces évaluations associeront élèves, enseignants, collectivités territoriales et acteurs locaux, et porteront sur les impacts éducatifs, sanitaires, sociaux, environnementaux et territoriaux. Chacune donnera lieu à la publication d'un rapport détaillé transmis au Parlement. L'article 4 du texte prévoit par ailleurs que la charge pour l'État et les collectivités territoriales sera compensée par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

PROPOSITION LOI OLIVIA GREGOIRE

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Rédactrice en chef de Zepros La Collective, Claire Cosson cultive une passion singulière pour l’univers de la restauration collective. Depuis plus de vingt ans, elle observe et décrypte les mutations d’un secteur souvent discret mais essentiel.
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