[Spécial RSE] Food Service Vision : la crise, véritable accélérateur RSE

Chloé Labiche
Interview
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Depuis quelques années, l’univers des distributeurs foodservice connaît une mutation, impulsée par le poids grandissant de la RSE. Et la crise a ancré plus profondément ce phénomène, comme l’analyse François Blouin, P-DG de Food Service Vision.

Quels sont les grands enjeux pour les distributeurs foodservice en prévision de la reprise ?

En premier lieu, évaluer à quel moment le marché et ses différents segments redémarreront. Puis, en fonction des échéances, être prêt en termes de supply chain. Les distributeurs ont bien conscience que cette réouverture sera particulière : le marché aura sans doute profondément changé pour s’adapter à de nouveaux besoins géographiques et d’autres typologies de produits. Au regard de tous ces ingrédients, il y a une forte nécessité d’anticipation et d’agilité.

Qu’est-ce que la crise a accéléré comme problématique ?

Pour les consommateurs, une demande de transparence, l’accès à des produits locaux, tracés et bio. D’après un sondage réalisé l’année dernière, 74 % des Français jugeaient la disponibilité d’informations sur la traçabilité très importante. 79 % attendaient des plats élaborés à partir de produits locaux. Les restaurateurs ont intégré cela dans leurs stratégies. Vous avez des acteurs, comme Hippopotamus, qui se fournissent désormais exclusivement en viande française. De nombreuses chaînes de restauration rapide ont également décidé de s’approvisionner en produits 100 % français. Dès lors, les distributeurs aussi font évoluer leurs gammes vers davantage de produits locaux, nationaux ou avec des labels de qualité. Dans notre « Revue de l'offre distributeurs alimentaire et boissons », nous avons observé une croissance de 76 % des produits bio en promotion entre les années 2018 et 2019, et de 44 % entre 2019 et 2020. On constate ainsi une très forte accélération sur un temps qui est très court. Le poids des labels dans les catalogues continue ainsi à augmenter de façon globale.

La période décisive et difficile de la réouverture peut-elle ralentir des engagements RSE ?

Au contraire, ce temps d’incertitude amène plutôt les acteurs à ancrer leurs stratégies RSE, à approfondir leurs réflexions et leurs décisions. À l’image de Transgourmet qui a lancé Natura, sa gamme de produits bio en marque distributeur. C’est un symbole fort. Des acteurs de la distribution ont maintenu leurs investissements dans des flottes de livraison plus respectueuses de l’environnement sur le dernier kilomètre. Metro France a, de son côté, signé avec le ministère de la Transition écologique la Charte d’engagement pour la réduction de l’impact environnemental des emballages et le développement du réemploi dans le secteur de la restauration livrée. Ce sont de véritables engagements de filière qui sont pris.

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Quelle place pour la partie ressources humaines dans ces stratégies ?

Distributeur est un métier où l’humain est au cœur de l’activité donc, intrinsèquement, c’est une démarche très présente. C10, par exemple, propose un programme de préparation à la reprise pour son personnel en entrepôts où les métiers sont très physiques. Comme des sportifs, ils vont devoir se remettre en forme. Les distributeurs ont mis en place très rapidement des initiatives et des actions de solidarité dès le début de la crise. Par exemple, ils ont été parmi les premiers à mettre à disposition, dès que le marché s’est arrêté, leurs stocks et leurs invendus au service d’associations et du personnel soignant. Une des vertus de cette crise est de rappeler à tous les acteurs de la chaîne l’importance de cette notion de responsabilité conjointe. La filière se souviendra que les destins de ses différentes parties prenantes sont intimement liés.

Le digital est-il un outil que les distributeurs utilisent davantage dans leurs démarches RSE ?

Il y a des initiatives de différentes natures dans ce sens. Le digital offre la possibilité à certains distributeurs d’intégrer de la traçabilité dans l’approvisionnement. Des acteurs comme Creno ou Vivalya permettent à leurs clients restaurateurs de savoir d’où vient le produit qu’ils ont commandé. Des démarches de type Too Good To Go ou Phénix, des partenariats sont mis en place entre certains grossistes et des applis de ce type-là. Structurellement, nous pouvons affirmer que les systèmes d’information qui permettent de mieux piloter les stocks et les prévisions de commande ont un impact direct sur la RSE, limitant ainsi le gaspillage et les pertes.

Quels sont les volets RSE prioritaires ?

La RSE ne peut pas être réduite à une seule priorité, c’est un ensemble de mutations. Il faut être capable de travailler en même temps sur l’offre produits, le personnel et l’engagement des équipes… Il ne peut plus y avoir de stratégie qui ne tienne pas compte de ces éléments. C’est une demande forte des consommateurs et des professionnels de la restauration. Cette double exigence s’impose à toute la chaîne de valeur. Depuis quatre ans, nous observons clairement une véritable transformation de l’industrie de la distribution avec une mutation de l’offre, des systèmes de suivi et d’optimisation logistiques. La profession avance. Mais si je devais choisir un défi, peut-être le plus engageant pour la profession de grossiste, ce serait celui du dernier kilomètre. L’enjeu étant de servir les restaurateurs avec une efficacité écologique et économique encore plus perfectionnée qu’aujourd’hui, notamment dans les grandes villes.

Propos recueillis le 01/04/21 par Chloé Labiche

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