[Top 100] L. Latour : « La distribution doit se transformer face à un marché CHD en mutation »

Jean Charles Schamberger
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Loïc Latour. © Vincent Bourdon

Entretien avec... Loïc Latour, président de France Boissons.

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Article extrait de Zepros Métiers Distributeurs RHD 6.Pour consulter l'ensemble des articles et interviews, rejoignez le club Top 100 Distributeurs de la RHD.

Comment s’est déroulée l’année 2018 ?

France Boissons a réalisé un chiffre d’affaires facturé de 949 M€, soit 3 % de progression environ. 2018 a été une très bonne année pour la consommation hors domicile : la saison d’été, la climatologie, la Coupe du monde de football, la fréquentation touristique, tant à Paris qu’en province… y ont contribué.

 

Votre organisation et vos ventes ont-elles été affectées par le mouvement des Gilets jaunes ?

Avec 73 sites, France Boissons est une entreprise leader de la distribution qui bénéficie d’une empreinte territoriale assez conséquente. Bien sûr, certains points de vente sont encore fermés et nous ne pouvons qu’avoir de l’empathie pour les quelques clients qui ont été touchés. Nous sommes en contact avec eux et nous avons trouvé des solutions. Nous allons les accompagner et les aider. Ce mouvement n’a en revanche eu aucun impact sur nos résultats.

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Comment se sont comportées les catégories bières, vins, cafés et spiritueux ?Nous restons un distributeur qui propose et qui vend de la diversité  : 6 200 références nationales, avec 2 600 à 3 200 références par plateforme, couvrant toutes les catégories. C’est important pour France Boissons d’avoir le bon outil logistique et une bonne organisation au sein de la direction achats et catégories car aujourd’hui le marché veut de la diversité. Les consommateurs veulent connaître de nouvelles choses, nos clients veulent se différencier de leurs voisins. Nos commerciaux, formés à cet effet, composent des offres adaptées au client à travers le juste diagnostic du point de vente, de la zone de chalandise et des consommateurs. France Boissons a l’ambition d’un distributeur précurseur de tendances et d’expériences boissons et service avec le client : c’est le positionnement et le virage que, moi-même et mon comité de direction, nous voulons faire prendre à l’entreprise.Le vin a enregistré une croissance en valeur en raison d’une progression du prix moyen, soit 5,6  %. Cette croissance illustre la premiumisation du marché et l’intérêt pour nos gammes en propre de produits spécifiques : vins vegan, vins « sans » ou encore Zodiac, une gamme de vins en biodynamie. Nous avons aussi élargi notre sélection Vins & Terroirs «  Les Locales ». En volume, la catégorie a régressé de 2 % en raison de l’impact des vins de table dont la consommation continue de baisser.
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La bière réalise une très bonne année, voire historique, sur un marché qui se porte bien par ailleurs. Nous avons enregistré une croissance de 2,1 % en volume et pratiquement de 3,5 % en valeur notamment stimulé par les bières spéciales, les crafts telles les IPA comme Lagunitas… Notre partenaire Heineken a fait un travail formidable dans la composition de sa gamme ! La bière est une catégorie de boissons en mouvement, exemplaire dans sa capacité à innover. Les spiritueux se portent bien depuis plusieurs années. C’est une catégorie qui est en croissance chez France Boissons de 1,5 % en volume et 3 % en valeur. On assiste, sur ce marché également, à une premiumisation de l’offre – gins et rhums, notamment – ainsi qu’à un retour des cocktails et de la mixologie.Le café, en revanche, est une catégorie plus challengée chez nous, avec - 6,5 % en volume,. Nous retravaillons et recomposons aujourd’hui notre offre en réfléchissant aux tendances émergentes à pousser. Ce marché, à la différence de celui de la bière, n’a pas encore pris son virage.
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Quelle est la feuille de route de Thibaut Boidin qui vient d'être promu DG adjoint en charge du commerce et qui prend la tête du nouveau comité de direction commerciale ?La distribution doit se transformer pour répondre à un marché CHD en mutation. Nous nous sommes donc réorganisés afin de vraiment mettre le client au cœur de nos actions, et ce, sur l’ensemble du territoire. J’ai donc nommé un directeur général adjoint en charge du commerce, qui dirige un comité de direction commerciale. Géré par Thibaut Boidin, ce comité intègre les directeurs régionaux, passés de 3 à 5 pour que nous soyons au plus près de l’ensemble des zones de chalandises sur le territoire (zones urbaines, périurbaines, rurales, etc.). Il pilote également 2 services stratégiques : celui nouvellement créé de l’expérience client qui regroupe ce que peuvent être les initiatives de trade marketing, d’accompagnement des clients, Service en tête, etc.- et l’équipe digitale, puisque depuis 2017, nous proposons aux clients une plateforme web comme service complémentaire.
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Que représente le digital dans votre activité désormais ?À date, 11 % de notre chiffre d’affaires est généré par les commandes du portail My France Boissons. Nous avons séduit 5  800 clients en douze mois. D’ailleurs, 20 % de ces commandes sont passées le week-end – alors que nous sommes fermés – et 23  % après 18 h 00. Cela démontre la pertinence de ce service complémentaire pour le client. Le panier moyen, quant à lui, est supérieur de 6 % et le temps passé est de quatorze minutes en moyenne.Cela ne minimise pas pour autant nos autres approches de la relation commerciale. Ce qui réussit aujourd’hui, et qui fera le succès demain, c’est la combinaison du digital et de l’humain. Par exemple, 23 % de nos clients commandent à la fois par téléphone et via le portail internet. Depuis six ans, nous avons fait évoluer nos commerciaux en vendeurs-conseils. Cela signifie qu’ils ne prennent pratiquement plus de commandes mais qu’ils consacrent leur temps à apporter du conseil sur les produits, les gammes, les points de ventes, à rencontrer les clients qui ne prennent qu’une partie de leurs achats chez nous et comprendre leurs besoins. L’expérience client est différente et c’est cette spécificité qui doit nous démarquer.
Quels sont les autres chantiers engagés ?Comme toutes les entreprises, nous nous questionnons sur les outils de force de ventes, les CRM, etc. Au-delà du conseil qui est clé, le distributeur a 3 fonctions régaliennes : acheter pour constituer les catégories, vendre et livrer. Nos initiatives touchent donc la supply chain et la logistique. Nous avons déployé des solutions Ambassadeur 2.0 et Ambassadeur 2.2 qui – via des smartphones pour les chauffeurs-livreurs – permettent de dématérialiser les documents de livraison, de prendre en photo des lieux de livraison ou des caves à risques pour que nous puissions agir, de sortir les bons de livraison et les tournées, de prévenir de clients de l’heure d’arrivée et de la géolocalisation de la livraison, etc. Nos chauffeurs-livreurs ainsi que nos techniciens ont bien adopté ces nouveaux outils.
Comment faites-vous face aux difficultés de recrutement des chauffeurs ?Trouver des chauffeurs-livreurs est un enjeu pour la profession. En tant qu’entreprise responsable et humaine, nous y accordons beaucoup d’attention pour les garder et les fidéliser, nous veillons à améliorer les conditions de travail. Par exemple, nos nouveaux camions sont équipés avec des portes élévatrices et déchargent à quai, les chauffeurs-livreurs disposent de chariots électriques ou encore de portiques à fûts. Par ailleurs, nous évaluons les difficultés inhérentes aux livraisons en cave afin de trouver des solutions pour nos chauffeurs-livreurs mais aussi pour le personnel de nos clients.
Qu’en est-il concernant la RSE ?Nous sommes entrés dans une démarche de certification des plateformes. Nos 14 plateformes ont désormais le label Ecocert FNB de notre profession, qui certifie que nous sommes très avancés sur les questions de consommations d’énergie, de travail sur la pénibilité, etc.Nous travaillons beaucoup sur l’enjeu de l’accessibilité dans les centres-villes. Les camions que nous achetons sont tous aux normes Euro 6. Nous utilisons déjà des camions hybrides sur certaines zones, et sommes proches de nos deux constructeurs fournisseurs pour travailler avec eux sur des solutions électriques. Il s’agit de trouver des adaptations locales car aujourd’hui les réglementations ne sont décrétées que localement. L’enjeu pour notre profession dans les années à venir est celui du dernier kilomètre. Cela est bien sûr à l’agenda d’une entreprise telle que la nôtre.Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger
Article extrait de Zepros Métiers Distributeurs RHD 6.Pour consulter l'ensemble des articles et interviews, rejoignez le club Top 100 Distributeurs de la RHD.
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Loïc Latour. © Vincent Bourdon
Jean Charles Schamberger
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