[Top 100] P. Barbier : « Le commerce BtoB résiste bien structurellement »

, mis à jour le 15/03/2022 à 15h58
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Entretien avec... Philippe Barbier, président, et Hugues Pouzin, directeur général, de la Confédération générale du commerce de gros et international (CGI).
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Comment se porte le commerce de gros ?
Philippe Barbier : Si l’on fait un point sur la conjoncture, dans l’ensemble, nous sommes satisfaits d’être représentants d’une profession qui est en croissance et qui se porte plutôt bien structurellement. Le commerce de gros est fondamentalement bien orienté par rapport au commerce de détail de centre-ville et aussi par rapport à la grande distribution. Avec des menaces stratégiques qui sont beaucoup plus faibles que celles qui percutent ces deux derniers secteurs.Le commerce BtoB – qui distribue à la fois des produits et des services – résiste bien structurellement depuis plusieurs années. Et, à mon avis, il continuera à résister pour les années à venir, qu’il s’agisse des pièces détachées automobiles, des accessoires électriques ou des différents secteurs de l’alimentaire. Conjoncturellement, nous avons été frappés par les mouvements des Gilets jaunes. Mais, là encore, plutôt moins que le commerce de détail de centre-ville, que les hypermarchés et les supermarchés.Autres signes : tous nos métiers sont en tension d’emplois, nos entreprises intéressent les opérations de croissance externe ainsi que les fonds d’investissement… C’est un secteur économique méconnu mais qui va bien, qui est créateur d’emplois et qui est très moderne.Les fondamentaux, les facteurs clés de succès, les processus, les comportements, les enjeux, les menaces, etc. sont les mêmes à 90 % dans tous les métiers du BtoB quelle que soit la filière produit. Nous avons des chantiers communs. La CGI est positionnée sur la défense des intérêts, la promotion et le développement, et tous les outils au service du commerce BtoB.Selon les dossiers, nos préoccupations nous amènent le plus souvent à discuter, soit avec les communes, soit avec les régions, soit avec l’État à travers ses différents ministères. Nous n’avons pas tant de problématiques européennes que cela. Nous disposons enfin d’une réelle force de frappe, si toutes les fédérations apprennent à travailler ensemble et cultivent une prise de conscience collective. La confédération sert à relier les différentes fédérations qui, par ailleurs, font leur travail dans leurs filières respectives. Sur certains dossiers qui nous concernent tous, nous allons chercher des positions communes.
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Comme sur le dossier Egalim…P.B. : Tout à fait. La CGI a remporté une grande victoire dans la mesure où les conventions d’affaire sont simplifiées et que nous n’héritons plus des « habits » conçus pour contrer les GMS. Ce sont les GMS qui se sont retrouvées en tant que spécificités. Les choses se sont inversées.Hugues Pouzin : La règle est devenue l’exception et l’exception est devenue la règle. Nous étions le petit caillou dans la chaussure du législateur, parce que nous étions toujours à part.P.B. : Ces états généraux ont été l’occasion pour la CGI d’être présente partout, dans la majorité des groupes de travail. Il faut d’ailleurs, à cette occasion, remercier les entreprises du secteur – Transgourmet, Brake, Davigel, Pomona, les grossistes en fruits et légumes, etc. – qui ont accepté que des collaborateurs de différentes branches – DAF, services juridiques, service qualité… – aillent accompagner des permanents de la CGI et des fédérations.La CGI ne peut pas aller dans des réunions ministérielles, des états généraux, des préparations de loi, etc., avec ses seuls permanents et ceux des fédérations. Nous avons besoin des femmes et des hommes des entreprises concernées, et malheureusement à des niveaux de management ou de direction plutôt élevés pour avoir une vision globale des dossiers. C’est aussi grâce à cela que nous pouvons avoir une action collective qui nous permet de peser dans les débats.H.P. : Soulignons aussi que la loi Egalim a eu un fort impact sur les marchés publics. Ces derniers représentent entre 20 et 22 % du chiffre d’affaires des grossistes tous secteurs confondus. C’est pourquoi nous avons fait une table ronde sur le sujet et que nous publions l’édition 2019 des trois guides CGI sur les marchés publics.
Quelle a été votre mobilisation sur le dossier Opco ?P.B. : Les Opco, c’est tout à la fois la formation permanente, l’apprentissage, l‘alternance. C’est la réforme de la formation en France, et nous avons été énormément mobilisés, beaucoup plus que nous le pensions. Mobilisés par les choix à faire tant en termes d’outils que par les choix stratégiques pour la profession. Cela a été un dossier complexe car le rapport d’orientation qui préconisait de passer de 22 Opca à 11 Opco a été en fait un rapport fondateur et le gouvernement s’en est beaucoup plus servi qu’on ne le pensait. Notre Opca, Intergros, était trop petit pour être l’un des 11 mais déjà gros, très spécifique, fonctionnant bien et avec des frais de gestion peu élevés. Nous n’avons souhaité être « mariés » ni avec la FCD, ni avec les transporteurs, ni avec d’autres métiers avec lesquels nous n’avions pas de points communs.Or, nous avons eu la chance d’être en contact avec les métiers des services à forte intensité de main-d’œuvre – travail temporaire, hôtellerie-restauration, entreprises de propreté – qui ont exactement les mêmes problématiques que nous : ce sont des métiers de services, des gros employeurs, des gros recruteurs, de personnels parfois peu qualifiés, avec une forte irrigation du territoire, un réel maillage géographique dans tous les bassins d’emploi et des entreprises chez qui la promotion interne – et donc la formation interne – a une importance majeure. Plus nous parlions, plus nous nous découvrions des affinités, des façons de voir les choses et des valeurs communes, sur le rôle des DRH, sur les formations, sur la RSE, etc.Au final, nous avons construit un très gros Opco, de 4,5 millions de salariés, que nous sommes en train de fusionner. Hervé Becam, vice-président de l’Umih, en est le président, j’en suis le trésorier adjoint. À l’intérieur de tout cela, le commerce de gros aura sa section paritaire professionnelle, SPP. Nous sommes en phase de transition jusqu’à la fin de l’année.
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Un autre dossier complexe est celui de la logistique urbaine...P.B. : La logistique urbaine comporte 2  grands sujets. D’une part, celui de l’encombrement : faut-il des flottes de gros camions propres, plutôt que des camionnettes polluantes, mais avec des contraintes horaires, de stationnement, des voie réservées ou pas, des hypercentres et centres piétonniers traités ou pas comme des exceptions  ? D’autre part, le verdissement de la flotte : que les camions soient gros ou petits, comment fait-on pour qu’ils soient moins polluants ? Tout le monde est concerné – transporteurs, loueurs, constructeurs, concessionnaires, fabricants de carburants, de pompes, de bornes électriques, mairie… – et on ne fera rien d’intelligent sans une grande concertation.Nous travaillons beaucoup sur le verdissement de la flotte, nous avons recruté un salarié spécialisé qui travaille sur le sujet grâce à un contrat que nous avons passé avec l’Ademe qui nous aide financièrement. Nous menons déjà toute une action auprès de nos propres adhérents pour les convaincre. Par ailleurs, nous réfléchissons à l’action que nous pourrions mener auprès des constructeurs et nous sommes prêts, à travers un « fab lab », à mener des expérimentations. Faut-il aller vers l’électricité ? Vers le GNV ? Vers l’hydrogène ? Vers l’hybride ? Pour l’instant, personne ne peut donner une réponse avec certitude. Nous essayons de nous intégrer partout où il y a des initiatives.H.P. : Il existe une structure qui s’appelle Métropole Grand Paris, qui est la zone infra de l’A86, dont nous avons signé la charte fin mai. Il y a une réflexion de groupe avec des acteurs qui sont en train de se mobiliser. Nous voulons être parmi ces acteurs. Nous nous sommes ainsi rapprochés de la SITL, la Semaine international du transport et de la logistique. Philippe Barbier a notamment participé à la table ronde d’ouverture.
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Qu’en est-il de la lutte contre le gaspillage alimentaire ?P.B. : La lutte contre le gaspillage alimentaire est le début d’un mouvement sociétal qui s’étendra dans les années à venir à tous les secteurs. La CGI a raison d‘essayer d’être à la pointe sur ce sujet, en commençant par l’alimentaire.H.P. : Le commerce de gros n’a pas l’image d’une structure qui participe à la valorisation des dons. Pourquoi ? Parce qu’il y a une gestion très fine des stocks. Nous sommes des centimiers. Chaque pourcent supplémentaire inutilement commandé pèse sur les stocks d’entreprise.P.B. : Les grossistes jettent peu. Par exemple, il existe un indicateur ancien qui s’appelle le « jet voirie » chez Pomona. Frôler 1 % est considéré comme scandaleux. Sinon, ce sont des pertes d’exploitation. Travailler pour la lutte contre le gaspillage alimentaire, c’est aussi travailler avec Restau’co, avec l’Umih, avec les SRC. Il est intéressant d’avoir dans ce domaine une vision globale et pas par le petit bout de la lorgnette.H.P. : Nous collaborons aussi beaucoup avec le Geco Foodservice. Nous avons ainsi été sollicités pour intervenir lors de l’AG pour expliquer l’importance de la normalisation de l’information, via GS1, qui doit suivre le produit. Transgourmet, Sysco France et Pomona envoient des collaborateurs pour aider le Geco à convaincre ses propres troupes.P.B. : Il faut aujourd’hui passer à un raisonnement collaboratif au niveau des interorganisations et travailler avec notre amont et notre aval. D’autant que nous avons la chance, dans le BtoB, de nous parler et de nous comprendre. C’est ce que fait la CGI depuis des années : nous ne travaillons pas les choses les uns contre les autres mais nous faisons avancer en commun des chantiers communs. Objectivement, cela va 10  fois plus vite. Et le gouvernement est prêt à entendre des démarches de ce type.
Qu’en est-il en matière de digitalisation ?P.B. : Il y a une prise de conscience qui s’est faite et qui montre que le commerce de gros n’était pas en retard. Il porte en lui, par essence même, un certain nombre de choses que la digitalisation a apportées dans le commerce de détail. Aujourd’hui, les gens se sont pris en mains et n’ont plus peur des défis : omnicanal, multicanal, digitalisation de la logistique… Amazon n’a pas disrupté les grossistes. Finalement le digital fluidifie et modernise les relations.Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger
Article extrait de Zepros Métiers Distributeurs RHD 6.Pour consulter l'ensemble des articles et interviews, rejoignez le club Top 100 Distributeurs de la RHD.
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