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[Top100] Jean-Marie Arnal (Réseau Krill) : « Cette année, c’est 100 % agilité »

Jean Charles Schamberger
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Jean-Marie Arnal. © Emmanuel Pain

Entretien avec Jean-Marie Arnal, directeur général d’Even Distribution en charge directe du Réseau Krill*

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Comment s'est déroulé ce début d'année 2020 pour le Réseau Krill, d'une part, avant, et, d'autre part, après le 15 mars ?
Le début d’année était très prometteur mais le confinement a impacté de manière conséquente et brutale notre activité : le Réseau Krill a en effet enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 80 % en avril et mai. Le redémarrage en juin* est là mais reste timide et nous tablons sur un volant d’activité à hauteur de 50 à 60 % de la normale. La grande inconnue porte toutefois sur le niveau de reprise de la RHD en juillet-août et sur le moment où nos clients comme nous-mêmes retrouveront un retour à la normale en termes d’activité.
Cette année, c’est 100 % agilité : pour faire face à cette crise majeure, nous adaptons en permanence nos effectifs, nos moyens et nos offres. Je tiens d’ailleurs à remercier toutes nos équipes pour leur capacité d’adaptation durant cette période inédite : c’est grâce à elles que nous avons su résister et que nous retrouverons demain le chemin de la croissance.

Quel bilan faites-vous de 2019 ?
L’année 2019 a été très satisfaisante pour le Réseau Krill avec une croissance de près de 3 % portant le chiffre d’affaires à 380 M€. Cette progression s’est faite par le biais de la croissance organique et non par le rachat d’entreprises. Nous étions donc sur une dynamique très positive portée par nos facteurs de différenciation : nos savoir-faire en viande et en glace.
Le Réseau Krill est le résultat de croissances externes et nous étions l’an dernier en phase de structuration, avec un alignement de la stratégie, des processus, dans une optique d’optimisation de notre modèle. Nous challengeons chaque jour notre modèle et c’est un véritable exercice d’équilibriste : nous devons trouver des solutions pour garder à la fois la force de frappe d’un réseau de distribution intégré et la réactivité/proximité de sociétés autonomes. Ce mode de fonctionnement a fait ses preuves durant la crise : le management de proximité adopté par les directeurs de chacune de nos entités nous a permis de nous ajuster en un temps record.
Dans un objectif d’amélioration permanente de notre percussion commerciale, nous avons également renforcé notre équipe de vente par l’arrivée de managers expérimentés dans 5 de nos 8 filiales.

Comment accompagnez-vous la réouverture des restaurants ?
Notre souci au quotidien est de préserver à la fois l’humain, l’économique et la santé avec la mise en place du télétravail, du chômage partiel et de mesures de prévention. Pendant cette période, nous avons livré tous les clients qui étaient ouverts -les collectivités dans le domaine de la santé ou encore les restaurants ayant maintenu une activité par le biais de la vente à emporter- et avons conservé le lien avec nos clients afin de leur apporter notre soutien et des conseils pratiques pour préparer la reprise : comment mieux gérer sa trésorerie et trouver des aides ? Comment adapter son offre et communiquer pour la vente à emporter ? Comment préparer le retour à l’activité ? etc. Ces guides digitalisés ont d’ailleurs rencontré un beau succès auprès de notre clientèle.

La vente en ligne est aussi un moyen d’optimiser la reprise en restauration. Nous sommes fiers d’avoir mis en ligne notre site marchand, krill.fr, durant la période de confinement. Fruit d’un travail débuté il y a trois ans par une équipe multimétier, ce site, que l’on a voulu très intuitif, se démarque par un contenu inspirationnel fort dans le but d’accompagner tous nos clients dans leurs changements de plats du jour, de menus ou de cartes. Nos clients ont remis à plat leur offre pour la réouverture et notre site est là pour les aider : accès à des produits locaux, de saison, labellisés, à des recettes, aux dernières tendances culinaires. Tout est fait pour que nos clients élaborent une offre qui leur ressemble ! La crise sanitaire en cours risque de faire évoluer les habitudes des professionnels de la RHD, ils vont notamment chercher à optimiser leur temps de travail. La possibilité de générer simplement et rapidement des commandes en ligne est par conséquent un nouveau service totalement adapté.

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Proposez-vous des facilités de paiement ? Des promotions ? Des services nouveaux ?
Nous n’avons pas fait le choix d’accorder des facilités de paiement à nos clients pour 2 raisons : d’une part, les dispositifs d’aides gouvernementales nous ont semblé être un amortisseur efficace et, d’autre part, nous avons nous-mêmes dû faire face à des difficultés de trésorerie avec un montant d’impayés très élevé. Le crédit-client a d’ailleurs été un sujet de préoccupation constant des grossistes avec un montant d’encours problématique. Nous avons mis en place de nombreuses promotions sur le mois de juin pour permettre à nos clients de faire de bonnes affaires pour leur réouverture. Nous prenons par ailleurs notre rôle de conseil très à cœur : aider nos clients est encore plus essentiel après cette période de confinement.

Craignez-vous des défaillances de vos clients restaurateurs au second semestre ?
Oui, nous serons en vigilance. D’où l’importance pour nous de bien les conseiller sur leurs gammes et leur approche du métier. Je pense par exemple qu’un restaurateur a tout intérêt à privilégier le surgelé aujourd’hui même si cela peut nécessiter une adaptation de son organisation en cuisine. Construire une gamme uniquement sur du produit frais me paraît risqué en cette période post-Covid : les incertitudes en termes de fréquentation ne facilitent en effet pas la projection. Le surgelé est de ce fait une solution parfaitement adaptée à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Quelles sont vos prévisions d’activité pour le second semestre 2020 ?
Nous avons la chance d’être sur une zone de chalandise particulièrement touristique, avec une forte implantation sur l’arc Atlantique et l’arc Méditerranéen, et nous espérons faire un mois de juillet et un mois d’août corrects. Ces mois connaîtront probablement une activité d’un niveau inférieur à 2019 mais l’essentiel est de servir au mieux chacun de nos clients. L’activité des mois de septembre et octobre reste quant à elle incertaine et sera en corrélation avec le nombre de défaillances en RHD.

Les grossistes ont bénéficié d’aides de chômage partiel, matelas économiquement essentiel mais malheureusement insuffisant dans ce métier aux charges fixes conséquentes : pour passer cette tempête, chaque grossiste devra être solide et agile. Notre force, au sein du Réseau Krill, réside dans la taille humaine de nos entreprises - la plus grosse entité réalise 80 M€ de CA - et notre manière de travailler, avec les directeurs, consiste à tout adapter : nos effectifs, nos stocks, nos approvisionnements, nos offres pour faire de la VAE par exemple, l’exploration de nouveaux segments de clientèle comme la BCT (boucheries-charcuteries-traiteurs), la GMS (grande et moyenne surface), la BVP… La capacité de résilience et d’inventivité de nos équipes va nous permettre de passer ce cap difficile.

Quelles leçons tirez-vous de cette crise ?
J’en retiens des éléments très positifs car nous sortons grandis de cette crise. D’abord, elle a confirmé la solidarité de nos salariés, leur esprit de responsabilité et l’attachement fort qu’ils portent à leur entreprise.
Cette crise sans précédent nous a aussi permis d’accélérer notre digitalisation et de nous moderniser. Ce canal de vente supplémentaire, dont je suis persuadé que nos clients vont se saisir, va apporter de la valeur ajoutée au métier de nos commerciaux : le temps libéré va leur permettre d’être dans un rôle de conseil encore plus pointu pour que nos clients soient toujours plus performants. Enfin, cette crise a démontré qu’une stratégie de diversification raisonnée avait tout son sens. C’est un enseignement dans la résistance des modèles économiques qui sera pris en compte demain.

Cela vous oblige-t-il à réviser certains projets qui étaient en cours ?
Non, absolument pas, c’est aussi en bas de cycle qu’il faut savoir investir. En début de confinement, nous nous sommes posé la question de geler un certain nombre de projets, comme celui du digital, et nous avons finalement fait le choix de l’accélération pour préparer le rebond.

Nous avons un autre projet majeur sur l’optimisation logistique sur lequel nous avons continué d’avancer volontairement durant le confinement. Il est au cœur de notre stratégie pour être toujours plus proche de nos clients tout en optimisant notre schéma logistique par la rationalisation de nos navettes, l’optimisation de nos tournées, la maîtrise de notre consommation de carburant. En synthèse, ce projet est essentiel pour diminuer nos charges, améliorer nos marges et notre productivité, renforcer notre proximité géographique et porter toujours plus haut notre démarche de développement durable.

*Entretien réalisé le 11 juin

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

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Jean-Marie Arnal. © Emmanuel Pain
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