L'AP-HP épinglée par la Cour des Comptes !

, mis à jour le 27/11/2025 à 17h57
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des préparateurs en cuisine sur une ligne de dressage de plateau

Quinze millions de repas par an, mais des objectifs Egalim non atteints.
 

 

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La Cour des Comptes régionale d'Île-de-France a récemment rendu un rapport sans concession sur la restauration de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Si l'institution salue les efforts entrepris, elle pointe du doigt un pilotage tardif et des obligations légales encore non respectées.
Avec 15 millions de repas servis annuellement, soit plus de 41 000 par jour, l'AP-HP constitue un géant de la restauration collective. Cette production massive s'organise autour de 38 unités de production réparties sur 39 sites franciliens et provinciaux, dont 18 cuisines de site et 5 unités centrales desservant une dizaine d'unités relais. En 2022, les charges de restauration s'élevaient à 138,8 M€, soit 1,6 % des dépenses consolidées de l'établissement. La fonction emploie 1 385 équivalents temps plein, avec une masse salariale qui a progressé de 14,2 % entre 2019 et 2023, principalement due aux revalorisations salariales nationales. Un mastodonte pas facile à gérer ! Le principal reproche de la Cour est ainsi que : l'AP-HP ne respecte toujours pas les objectifs de la loi Egalim fixés au 1er janvier 2022, soit 50 % de produits durables dont 20 % de bio dans les achats alimentaires. En 2024, l'établissement affichait 21,4 % de produits durables, contre seulement 2,9 % en 2019, et 11,8 % de bio. Des résultats, qui malgré tout, placent l'AP-HP au-dessus de la moyenne hospitalière nationale, où les parts de produits biologiques et durables s'élèvent respectivement à 3,2 % et 14,4 %. Dans le détail, le nombre de références de produits durables est d’ailleurs passé de 77 en 2021 à 588 en 2024, notamment grâce à la massification d'achats stratégiques comme les yaourts et les petits pains biologiques.

Organisation éclatée

Le frein majeur reste le surcoût estimé à 20 M€ pour atteindre le seuil des 50 % de produits durables, soit une augmentation du coût du repas de 0,87€ en régie et 1€ en externalisation, dans un contexte d'inflation galopante qui a fait bondir les dépenses de denrées alimentaires de 54,2 % entre 2022 et 2024.
La Cour constate qu'il a fallu attendre 2024 pour que l'AP-HP élabore un plan stratégique "logistique restauration", malgré l'inscription de la restauration dans le projet d'établissement 2021-2025. Une direction de la logistique et de l'hôtellerie a été créée pour piloter cette fonction jusqu'alors largement déconcentrée entre les six groupements hospitaliers universitaires (GHU). Cette organisation éclatée ne permettait pas de disposer d'une vision consolidée des coûts. Le rapport pointe l'absence de permanence dans les méthodes de calcul : en 2021, le coût par unité d'œuvre était de 8,04€, passant à 8,30€ en 2022 selon une méthodologie différente, bien au-dessus de la moyenne des 77 hôpitaux alimentant la base d'Angers (6,73€).

La dénutrition, angle mort financier

Autre élément : le rapport pointe un sous-diagnostic massif de la dénutrition, qui touche pourtant 30 % des adultes et 50 % des personnes âgées hospitalisés. Ce manque de codage dans le système d'information représenterait une perte de recettes estimée à 28,3 M€ en 2023. Pour y remédier, l'AP-HP a renforcé ses effectifs de diététiciens de 7,7 % entre 2019 et 2023, avec un ratio passé de 44 lits par diététicien à 19 lits. Le GHU Sorbonne, pionnier en la matière avec un système de codage confié aux diététiciennes depuis 2016, a généré 4 M€ de recettes supplémentaires en 2021.
Fort de ces constats, la Cour formule quatre recommandations principales : mettre en place des mesures de prévention des conflits d'intérêts au sein des comités de liaison alimentation nutrition, généraliser les plans d'amélioration du codage de la dénutrition, définir des indicateurs de productivité communs pour adapter les moyens à l'activité, et clarifier les spécifications obligatoires et facultatives dans les marchés publics. L'établissement, qui a vu son activité d'hospitalisation complète baisser de 6,8% entre 2018 et 2023, doit désormais démontrer sa capacité à transformer ces critiques en leviers d'amélioration pour ses 8 millions de prises en charge annuelles.

Rédactrice en chef de Zepros La Collective, Claire Cosson cultive une passion singulière pour l’univers de la restauration collective. Depuis plus de vingt ans, elle observe et décrypte les mutations d’un secteur souvent discret mais essentiel.
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