Comment lutter contre le gaspillage alimentaire ?

Myriam Darmoni
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Label antigaspi

La lutte contre le gaspillage alimentaire n’est plus une option. Non seulement elle permet de faire des économies, mais aussi de lutter contre le réchauffement climatique. Les restaurateurs sont en première ligne. 

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1 milliard de repas ont fini à la poubelle en 2022

En avril, une étude de l’ONU montrait qu’en 2022, 1 milliard de repas dans le monde étaient partis à la poubelle : ce sont 631 millions de tonnes de nourriture qui ont été jetées. La restauration a compté pour plus de 28 % de ce gaspillage. Économiquement, la valeur de ces déchets est de 924 M€. Autre réalité, le gaspillage alimentaire contribue au réchauffement climatique en causant 10 % des émissions de CO2 (3 % pour la France). 

10 millions de tonnes de déchets produits en France

En France, ce sont 10 millions de tonnes de déchets qui ont été générées. La restauration en produit 12 %. Le montant économique de tout ce gaspillage a été chiffré à 16 Md€. Les déchets ne sont pas seulement ceux des clients qui ne finissent pas leurs assiettes. Il est réalisé à toutes les étapes de la chaîne sont concernées : 
- 32 % lors de la production, 
- 21 % lors de la transformation, 
- 14 % lors de la distribution 
- 33 % lors de la consommation. 

On estime que les pertes en restauration rapide s’élèvent à 212 g par repas (230 g pour la restauration commerciale avec service à table). Soit un coût matière de 0,50 cts par client. Autant de matières premières achetées par le restaurateur qui ne sont pas consommées. 

Depuis 2020, de nombreux efforts ont été faits notamment au niveau du plastique et des emballages. La fameuse loi Antigaspillage pour une économie circulaire (loi Agec) du 10 février 2020 a fixé un cap : celui de 2030, date à laquelle la restauration devra avoir baissé de 50 % le gaspillage alimentaire. Les représentants politiques veulent donner la France en exemple au monde entier, particulièrement lors des prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Et ça marche, le Parlement européen a adopté fin avril une loi visant à réduire les déchets des emballages dans l’Union européenne, avec notamment l’interdiction d’ici à 2030 des contenants plastiques à usage unique dans les cafés et restaurants. Elle n’autorise pas non plus les « polluants éternels » PFAS dans les emballages en contact avec de la nourriture. Pour limiter celui-ci, il existe de nombreuses solutions : on peut générer moins de déchets lors de la préparation en cuisine ; valoriser et transformer les déchets produits ; organiser la collecte auprès d’associations caritatives. Autre approche simple, surveiller la durée de vie des produits, diminuer les quantités, former et sensibiliser son personnel. Il est indispensable de bien respecter les règles HACCP (méthode créée par la Nasa dans les années 60 afin de garantir l’hygiène et la sécurité alimentaire). 

De nombreux outils technologiques offrent la possibilité aux restaurateurs de digitaliser cette fameuse HACCP. Cela permet d’assigner des tâches précises aux équipiers, effectuer les relevés de températures en temps réel et de les enregistrer, et surtout alerter en cas de problème. Tous ces efforts assurent la réalisation d’économies substantielles, car le meilleur déchet n’est-il pas tout simplement celui qu’on ne produit pas.  

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Table ronde antigaspillage FHT

Le gaspillage alimentaire en chiffres

•    130 000 tonnes d’emballages à usage unique sauvées grâce à la loi Agec ;
•    10 millions de tonnes de déchets produits en France ;
•    16 Md€ c’est la valeur commerciale du gaspillage alimentaire ;
•    2030, c’est l’échéance fixée à la restauration commerciale. Pour la distribution, c’est 2025 ;
•    50 % de gaspillage alimentaire en moins par rapport à 2015, c’est le seuil établi par la loi.
 

Comment McDonald's limite le gaspillage alimentaire ?

Mahmoud Sellami est restaurateur. Franchisé McDonald’s depuis 30 ans, il est directeur général de 8 restaurants (bientôt 9) en Nord-Franche-Comté. « Je sers 1 million de repas par mois. Il était impératif pour nous de trouver une solution performante : une porte de chambre froide mal fermée nous coûte pas moins de 5 000 € », explique-t-il. La solution, c’est JRI qui la lui a apportée. « JRI est une société historique de mesures de la chaîne du froid. Nous sommes référencés chez McDonald’s, en France et à l’étranger », note Éric Cartalas, directeur général. 
Dans les restaurants McDonald’s de monsieur Sellami, les capteurs sont installés partout, des chambres froides aux cuisines, en passant par les steaks, qui sont sondés. Une quinzaine d’enceintes sont ainsi contrôlées. Cette solution, My Sirius, est homologuée et fait foi lors de contrôle. Les températures sont relevées automatiquement en temps réel et enregistrées tous les quarts d’heure. En cas de problème, une alarme est envoyée afin de pouvoir réagir immédiatement. La solution permet aussi d’automatiser les tâches de nettoyages en guidant les équipiers (mettre sa charlotte, se laver les mains, etc.). 
Autre avantage de cette cuisine connectée, elle optimise les consommations d’énergie : eau et électricité. Au lieu de nettoyer les toilettes à heures fixes, le nettoyage est fixé au bout d’un certain nombre d’ouvertures de portes, personnalisé selon les établissements. Idem pour les poubelles. Le leader de la restauration rapide a même pensé à recycler l’huile de friture : désormais, elle est transformée en bio carburant qui sert à faire rouler ses camions. 
 

Chez Melt, rien ne se perd

Autre retour d’expérience concernant le gaspillage alimentaire, celui de Paul Loiseleur, cofondateur de Melt (5 établissements et 1 atelier) avec Jean Ganizate. « À l’ouverture il y a 7 ans, nous avons immédiatement mis en place une solution digitale pour gérer notre HACCP. Notre choix s’est porté sur celle d’ePack Hygiene », note le dirigeant. Cette solution permet de relever les températures, tracer les produits, établir un plan de nettoyage, recevoir des alertes et bien sûr d’enregistrer toutes les données. Aujourd’hui, il explique que les employés ne voient plus la contrainte. D’autres solutions ont été mises en place pour limiter le gaspillage : adapter les portions et la réutilisation des invendus. « Les viandes fumées sont réutilisées dans d’autres recettes, comme nos fameux briskets », ajoute-t-il. L’entreprise travaille aussi avec Kalis, qui aide à analyser l’activité en réalisant un audit chaque trimestre. L’ouverture récente d’un atelier a permis de passer la DLC de 12 à 21 jours. Et l’approvisionnement en circuit court est favorisé. 

Columbus Café & Co, vertueux et précurseur

Chez Columbus Café & Co, on porte une attention toute particulière au gaspillage alimentaire. « Elle s’inscrit dans une démarche globale incluant la naturalité, la transparence dans la composition des produits et des engagements RSE forts », explique Frédéric Pastur, directeur général. S’il est impossible à l’enseigne de chiffrer précisément le volume représenté par cette chasse aux déchets, elle tient à rappeler qu’elle a été précurseur sur beaucoup de points. « Nous avons été les premiers à proposer des pailles non plastiques et nous sommes passés à la vaisselle non jetable avant la mise en place de la législation », poursuit le dirigeant. 
De nombreuses initiatives ont été mises en place. Ainsi, un partenariat avec Too Good To Go depuis plusieurs années, et des sachets de marc de café mis à disposition des clients. Pour gérer ses achats et stocks, l’enseigne utilise le logiciel Inpulse, qui assure un contrôle quotidien les besoins. « Il nous permet de produire au plus juste et donc d’éviter les pertes. Et aussi nous choisissons des produits avec des DLC plus longues. » Enfin, la société déploie une « Fabrique à Élixirs », avec une tireuse à eau pétillante et plate que le client peut aromatiser à la demande. « Cela évitera le transport de plastique et de cannettes. Avec notre thé glacé maison, cette machine nous permet d’élargir notre offre tout en produisant moins de déchets », conclut Frédéric Pastur.
 

Jeux Olympiques Paris 2024 : les invendus alimentaires seront redistribués

Paris 2024 a présenté un plan pour collecter les invendus alimentaires pendant les JOP et ainsi les redistribuer aux associations. En effet, durant les JOP ce sont près de 13 millions de repas et snacks qui seront servis sur les sites de compétition et les différents villages. Aussi une convention a-t-elle été signée avec trois associations : la Fédération française des banques alimentaires, le Chaînon Manquant et les Restos du cœur pour redistribuer les invendus. « La lutte contre le gaspillage alimentaire et la valorisation des ressources encore consommables sont des engagements clés de Paris 2024 pour une restauration plus responsable », déclare un représentant de Paris-2024. 
Autres engagements du comité : la réduction de la quantité de plastique à usage unique et la réutilisation des équipements de restauration. Les organisateurs entendent ainsi diviser par deux l’empreinte carbone des repas pris durant les jeux par rapport aux Jeux de Londres en 2012. Et pour ce faire, il y aura deux fois plus de végétal dans les assiettes.
 

Atypique sauve les fruits et légumes non normés

Atypique est une start-up créée il y a trois ans par Simon Charmette et Thibaut Kliber pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Grâce à elle, ce sont près de 3 000 tonnes de fruits et légumes qui ont été sauvés. Les deux entrepreneurs travaillent avec les producteurs français, 100 en tout, pour donner une seconde chance aux produits qui ne rentrent pas dans les « normes » de la grande distribution. 90 % des produits sont labellisés. Ils revendent ensuite ces végétaux sauvés de la destruction aux restaurateurs partout en France grâce à quatre entrepôts situés à Lyon, Paris, Lille et Marseille. « Chaque tonne sauvée représente une victoire pour l’environnement, mais également pour une rémunération plus juste des producteurs français. C’est un pas vers une alimentation durable et responsable », explique Simon Charmette. À ce jour, Atypique a conclu des partenariats avec les hôtels Ibis, Novotel, Pullman, Mercure, Campanile et travaille aussi bien avec la restauration collective, commerciale que des traiteurs.

Sujet publié dans le n°68 de Zepros Snack, daté mai-juin 2024
 

Myriam Darmoni
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